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Amélie Pichard, créatrice de mode : « Mes modèles de femme ? Ma mère et Pamela Anderson »

Quand on la rencontre dans un restaurant du 11ᵉ arrondissement de Paris, son quartier fétiche, Amélie Pichard, 40 ans, ressemble à ses idoles des années 1990. Entièrement vêtue de jean clair, la bouche rouge et les cheveux feu, elle pourrait sortir tout droit d’un soap télévisé américain. Après vingt ans passés dans le quartier de la Bastille, elle habite désormais dans le Perche et est venue assister à la fashion week parisienne.
Celle qui a donné son nom à sa marque, connue pour ses sacs qui arborent tous un crocodile et pour ses chaussures à plate-forme, continue de séduire des clientes en quête de distinction sur un marché de la mode très consensuel. Elle gère désormais son entreprise de sa campagne en Eure-et-Loir, souvent au lit, son ordi portable sur les genoux, dans un rythme décroissant, loin des multiples collections annuelles des grandes marques. Fini la saisonnalité et les soldes. Adieu les stocks, bienvenue au règne de la « commande » : Amélie Pichard invente une nouvelle façon de créer et de produire des objets. Rencontre avec une créatrice pop aux convictions écologiques.
J’ai grandi dans un milieu modeste, mon père était garçon de café et ma mère standardiste au journal local L’Echo républicain. Mon enfance se partageait entre mes parents séparés, la basse ville à Chartres, où nous habitions avec ma mère, et Clévilliers, à la campagne, où vivait mon père. Lui, ses passions, c’étaient le cheval, les motos, les avions, les ULM, et tout ce qui avait un moteur. Sur son terrain, il y avait toujours plein de voitures abandonnées, des casseroles, des trucs à réparer en tout genre, que les gens lui apportaient. Evidemment, pour moi, c’était le paradis. Quand j’allais chez mon père, c’était ma grand-mère bretonne, Bernadette, qui me gardait. Elle acceptait que je fasse du vélo dans la maison toute la journée, que je saute sur les lits et que je ne me brosse pas les dents. J’ai toujours adoré la campagne, ce n’est pas pour rien que j’y vis aujourd’hui : je m’y sens à l’aise.
A cette époque-là, ma mère voulait évoluer professionnellement après une période de chômage. Elle avait prévu de suivre des cours d’arts plastiques, à Paris. Je la voyais déjà dessiner, mais c’était encore une passion inassumée. Mon père s’était mis à piloter des avions et avait commencé à en faire un métier. Et puis, un jour, alors qu’il devait venir me chercher, je l’ai attendu toute la journée. Le lendemain, mon grand-père a appris en achetant le journal que mon père était mort dans un accident d’avion. Ç’a été extrêmement violent pour moi et, à vrai dire, je n’ai commencé mon deuil qu’à l’âge de 35 ans. Evidemment, les projets de reprise d’études de ma mère ont été annulés, et la période a été très difficile pour nous. Je ressentais fortement son anxiété, liée au fait que, tout à coup, elle devait assumer seule et être une wonder woman. Elle non plus n’a pas pu faire ce deuil… Elle aime me raconter qu’à l’époque elle gagnait le smic et que, malgré cela, on habitait un superbe appart et on partait au ski et à la mer chaque année. Aujourd’hui, une mère célibataire avec ces revenus-là n’aurait plus accès à tout ça.
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